Quand la tête de la Vierge retrouve son corps à l'abbaye de Beauport

Jeudi 30 Juillet 2020


La vie des statues est parfois étonnante : depuis trente ans, Beauport détenait la tête d’une Vierge à l’enfant, provenant d’une fontaine de Plouagat, liée à l’abbaye. Son corps vient de la rejoindre après que Jacqueline Menguy, la propriétaire des lieux, en a fait don au monument.

C’est une histoire peu banale d’une statue coupée en deux. Il faut remonter aux années 1970 : Jacqueline Menguy et son mari achètent le prieuré des Fontaines, à Plouagat, alors une ancienne ferme « dans un état pitoyable ». Attenante à la ferme et aujourd’hui complètement disparue, se tenait une grosse chapelle dédiée à Saint-Jacques. Et surtout une fontaine, accolée à une petite grotte. « L’eau y est très pure et censée guérir les yeux. J’ai vu, il y a quelques années encore, des gens y venir en pèlerinage », témoigne Jacqueline. C’est dans cette fontaine que se tenait la fameuse Vierge à l’enfant, seul vestige de la chapelle et datée du XIVe siècle. La tête d’un côté, au nez abîmé ; le corps, de l’autre, auquel il manque les épaules. « On avait mis de côté la tête pour la protéger, en attendant. »

Centre administratif pour les paroisses éloignées

Le couple se renseigne et découvre petit à petit l’histoire de sa « ferme », aux archives de Saint-Brieuc et de Rennes. Une maison du XVIe siècle avec un logis-porche, propriété de l’abbaye de Beauport. « C’était son centre de gestion des paroisses éloignées comme Plouagat ou Châtelaudren, explique Françoise Le Moine, la directrice de l’abbaye. Des dessins d’Alfred Ramé, archéologue du XIXe siècle, attestent de sa parenté. Les décors de la chapelle sont très similaires. »

La tête moulée ne reviendra jamais

Au fil des ans, des conservateurs mais aussi l’association des Amis de Beauport s’y intéressent, et dans les années 90 des stagiaires d’été à l’abbaye demande la permission de faire des moulages de la tête. Qui ne reviendra jamais à Plouagat ! « Cela ne me gênait pas, elle était plus en sécurité là-bas », confie Jacqueline. Mais quand, il y a un an, elle décide de vendre sa maison, se pose la question du corps. Sur les conseils du commissaire-priseur Karl Benz et d’un ami, Jean-Yves Savidan, tailleur de pierre et meilleur ouvrier de France, elle décide d’en faire don à l’abbaye. « Il en était malade que les deux parties soient séparées. »

Un don inestimable

La date du transfert est arrêtée, la « civière » prête : ce sera le 20 mars. Impossible, en plein confinement. Le corps de la Vierge n’arrivera à Beauport que le 12 mai, accompagnée de la conservatrice et aussitôt mis à l’abri dans le dépôt lapidaire où il sèche depuis. « C’est une très belle pièce, un don rare et inestimable pour nous», se réjouit Françoise Le Moine, qui voit dans cette Plouagatine un réel cousinage avec la grande Vierge à l’enfant de la salle aux hôtes, à Beauport : « C’est la même posture, le même modèle mais en plus petit ». Une statue qu’il « faudra faire inscrire ou classer comme objet d’art et la faire restaurer », prévient la responsable. « En tout cas, elle a trouvé sa place », résume Jacqueline.

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Karl Benz
Commissaire-priseur
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