Lot 182
ANDRE DUNOYER DE SEGONZAC ET DIVERS ARTISTESLot de 29 L.A.S. et P.A.S., et 2 tirages...








ANDRE DUNOYER DE SEGONZAC ET DIVERS ARTISTES
Lot de 29 L.A.S. et P.A.S., et 2 tirages photographiques, adressées à Ernest et Simone Simon, 1943-1972.
Ernest Simon est administrateur et directeur général des Papeteries de Ruysscher dont l’usine est située à Maresquel (Pas-de-Calais), spécialisée dans la fabrication de papiers fins et supérieurs à destination d’éditions de luxe et de qualité. Nombre d’illustrateurs et écrivains se fournirent auprès de cette maison de prestige tels que Colette ou Dunoyer de Segonzac. Domicilié au n°9 rue de Cambronne (15e arr. de Paris), Ernest Simon est un grand collectionneur et bibliophile averti, membre de la Société de la reliure originale et de la Société des amis de la Bibliothèque nationale et des grandes bibliothèques de France. Il décède brutalement en 1972.
Dont :
• 24 L.A.S. et P.A.S., 1942-1972, André DUNOYER de SEGONZAC (1884-1974), peintre, graveur et illustrateur, et son épouse Thérèse DORNY (1891-1976), actrice.
Joint 2 tirages photographiques : André Dunoyer de Segonzac posant dans atelier, 18 x 19 cm ; l’artiste en train de peindre à l’extérieur, avec envoi manuscrit daté et signé de Dunoyer de Segonzac et de Thérèse Dorny, 13 x 17 cm.
Intéressante correspondance relative à l’impression de l’ouvrage le plus important de la carrière d’illustrateur de Dunoyer de Segonzac, Les Géorgiques de Virgile, composé de 119 eaux-fortes originales dont 99 à pleine page, durant la Seconde guerre mondiale. Cet ouvrage est considéré comme le chef-d’œuvre du graveur et la quintessence de son art, l’un des plus beaux et des plus recherchés parmi les livres illustrés modernes d’après Lioré et Cailler. Grâce à l’aide et à la débrouillardise d’Ernest Simon pour lui trouver du beau papier d’imprimerie sous l’Occupation, Dunoyer de Segonzac peut mener à terme l’impression de son œuvre majeure : 12 janvier 1942 : « Cher monsieur et ami j’ai reçu hier un échantillon du papier de Rives. Il me paraît très bien. Couleur. Matière. Filigranes. Le blanc notamment est très beau (…) Je commence à avoir bon espoir pour la réalisation de notre livre… » ; 12 septembre 1942 : « Cher monsieur je suis allé à Rives et ai pu prendre les décisions pour le filigrane qui était bien mais un peu disproportionné… » ; 11 août 1942 : « (…) Je sais que tout est au point avec la Nationale [Imprimeries Nationales]. Formalité et règlement et que l’on doit reprendre l’impression des épreuves que la mise en page sur papier bleu… » ; 11 janvier 1943 : « (…) Je suis bien content de ce que vous me dites pour Arches… » ; 5 mars 1943, entête « Le Maquis – Saint Tropez » : « Cher monsieur et ami j’ai bien reçu votre carte du 26 février m’annonçant l’arrivée du papier. Il y en a un peu plus que ne comptais. Mais j’en aurai ou nous en aurons toujours l’emploi. J’avais reçu un échantillon (…) et j’ai été bien impressionné par sa belle couleur et la matière. Mais c’est à la suite des essais que je prendrai ma décision. Pour les feuilles de 87 kilog. il y a une erreur de dimension mais cela ne me parait pas très grave puisque c’est la feuille de couverture qui doit être coupée. Je pense rentrer vers le 20 mars. Mais je n’ai pas encore ma couchette malgré les démarches. On a corrigé les épreuves et travaillé à la mise en page des 4 chants. Le travail doit être très avancé. Il me tarde de voir où tout cela en est. J’ai fait plusieurs gravures qui serviront sans doute et que j’expédierai ces jours-ci. J’ai pu travailler malgré un temps très changeant avec souvent du mistral ou de la pluie. Et bien souvent aussi j’avais peu l’esprit au travail. La radio et l’importance des événements me prenant souvent l’esprit. (…) Merci encore pour tout ce que vous avez fait et continuez à faire pour l’éclosion de ce livre qui sans votre intelligente et active intervention n’aurait sans doute vu le jour que dans un temps indéterminé… » ; 7 janvier 1945 : « (…) que nous voyions en 45 cette paix, si désirée par tous les peuples du monde qui portent cette gangrène effroyable depuis 5 ans. Et tous ces malheureux déportés comme du bétail, et tous ces prisonniers, ces estropiés, ces évacués, sinistrés, enfin cet effroyable cortège de misères monstrueuses. Comme vous avez été gentil pour Brunel [imprimeur des eaux-fortes] de vous débrouiller à son sujet, j’espère qu’il vous a remercié avec effusion ??? Mais c’est un peu un ours mal léché. J’espère qu’il conservera ses qualités d’imprimeur et que Bacchus, divinité virgilienne, ne viendra pas troubler son travail, mais je n’ai pas une absolue tranquillité à ce sujet. En ce moment il tire une petite suite de nus que j’ai gravés il y a quelques années. Il reprendra les suites des Géorgiques après. Pour la souscription les libraires ont beaucoup d’imagination. Rien n’a été même envisagé à ce sujet pour la bonne raison qu’il n’y aura aucune souscription et qu’il vaut toujours mieux éviter de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Pour la typo j’ai vu Arnoux le chef de la typo à l’imprimerie nationale. Il a interrompu le tirage pour quelques temps : trop de travail pour le gouvernement en ce moment, d’autre part le froid dans les imprimeries donne à l’encre une matière peu fluide et rend le travail inégal. Donc il pense tirer les 2 derniers chants vers le mois de mai. Les 2 premiers sont imprimés. J’avoue ne pas être très pressé de rentrer à Paris. J’ai le sentiment qu’on y gèle (…) Ici le temps reste possible grâce au soleil qui permet de travailler en plein air (en s’abritant du vent) et aussi grâce à une bonne provision de racines de bruyères qui font une belle flambée le soir en rentrant. Grâce à Thérèse, et aux bonnes relations avec l’indigène (pêcheur et paysan), on arrive à vivre potablement et à traverser cette période effroyable, sans trop de privations (…) Nous avons eu la visite ce matin d’un capitaine français attaché à la 7e armée américaine qui revenait d’Alsace. Il n’a pas l’air trop inquiet. Comme il parle très bien l’Allemand il interroge les prisonniers, parait-il certains (des gosses de 14 ans) ne cessent de gueuler « Heil Hitler ! » pendant l’interrogatoire, quelles pauvres cervelles abruties (…) Mes amitiés à Daragnès quand vous le verrez, je n’oublie pas que c’est grâce à lui que je vous ai connu et que c’est grâce à cette entrevue que j’ai pu me procurer du papier pour les Géorgiques. » ; 4 janvier 1948 : « (…) Pour ce qui est du Virgile, je suis très heureux que vous montriez votre exemplaire à de vrais bibliophiles, mais je pense qu’il n’y a pas lieu, actuellement d’envisager la cession d’autres exemplaires, car je serai forcément très limité dans mes sorties. Vous êtes un des très rares intimes pour qui j’ai pu faire plier les deux tomes… »
Correspondance des années 1963-1966, relative à son travail de graveur : 19 octobre 1963 « 13 rue Bonaparte, Mon cher ami (…) je ne suis pas repassé chez Le Garrec. J’avais été à « l’accrochage ». Mais je ne vais guère aux vernissages. Pour éviter les nombreux « accrochages » inévitables. Pour la gravure à ajouter à celles de Jacques Hallez, je ne vous cache pas être assez perplexe : j’ai toujours pensé que l’unité et l’homogénéité d’un livre illustré en étaient les qualités essentielles. Les livres réunissant des artistes différents sont presque toujours manqués. Je ne connais pas le texte du livre illustré par Hallez. Je devrai donc graver un cuivre pour un texte que je ne connais pas et qui peut être me sera assez indifférent. Ou alors chercher dans mes cuivres restés chez La Courière, un cuivre à moi qui puisse convenir. Je vous avoue n’avoir ni le goût ni le temps de m’atteler à graver de nouveaux cuivres (j’en grave toujours 4 ou 5 pour en garder 1). (…) Si à mes débuts quand j’ai illustré Les Croix de Bois, j’avais demandé à Bonnard un frontispice, cela aurait été difficilement explicable… » ; 26 novembre 1963 : « (…) J’ai trouvé une gravure en hauteur de la dimension de celles de mon Ronsard. Un paysage de forêt qui je crois pourrait convenir. Bien entendu en aucun cas cette gravure ne serait incorporée dans le livre. C’est une œuvre isolée, une estampe qui pourrait être mise à part dans la suite (…) Comme je vous l’ai dit c’est une chose que je fais à titre exceptionnel et en aucun cas je ne puis envisager de la renouveler. J’ai une épreuve à l’atelier et j’ai fait mettre de côté le cuivre à l’imprimerie par Frélaut… » ;
Lettre de condoléances adressée à la veuve d’Ernest Simon : « 14 juin 1972, très chère amie, c’est avec une profonde et douloureuse surprise que j’apprends le si grand deuil qui vient de vous frapper. Rien ne faisait prévoir une fin aussi brutale. Et c’est une perte cruelle qui atteint le monde du livre et de la bibliophilie. Car le cher Ernest Simon était un amateur de grande classe, d’un goût très indépendant et très sûr. Je l’aimais beaucoup. Il était un ami très vrai et m’a bien souvent montré une affectueuse et active sollicitude et amitié pour l’exécution de mes livres dans des moments difficiles, notamment pour obtenir un papier de grande qualité pour mes Géorgiques durant la guerre… »
• P.A.S., 1er août 1946, L’Isle Adam « La Planque », Francis CARCO (1886-1958), écrivain, 1 page in-8 ;
• P.A.S., Paris, 14 juin 1950, André DIGNIMONT (1891-1965), peintre et graveur ;
• L.A.S. et 2 P.A.S., 1970-1972, Maurice BRIANCHON (1899-1979), peintre.
Provenance :
- Ancienne collection Ernest Simon, Paris.
- Par descendance, collection du Morbihan.
Adjugé : 450 €


