Lot 177
CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25 décembre 1922 à Saint Pierre...

CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25...
CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25...
CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25...
CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25...
CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25...
CAPTIVITE D UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944Né le 25...

[Seconde Guerre mondiale]
CAPTIVITE D’UN SEMINARISTE NORMAND EN ALLEMAGNE, 1943-1944
Né le 25 décembre 1922 à Saint Pierre de Sémilly (La Manche), André Delaroque est tonsuré par l’évêque de Coutances le 29 juin 1942. Forcés de prendre part au S.TO. avec d’autres séminaristes normands en juillet 1943, il est transféré à Walsrode où est concentré plusieurs usines de fabrication de munitions, dont l’usine de poudre Eibia. De retour en France au lendemain de l’armistice du 8 mai 1945.
Réunion de + de 50 LA.S. et P.A.S., certaines avec enveloppes, écrites par André Delaroque (1922-2011), jeune séminariste de Coutances, arrêté dans le cadre du S.T.O. et envoyé dans le camp de travailleurs forcés de Walsrode (Basse-Saxe) au nord d’Hanovre ; émouvante correspondance adressée à ses parents et proches, narrant de juillet 1943 à décembre 1944 ses conditions de vie en captivité comme travailleur-prisonnier.
Extraits :
« Paris, 13 juillet 1943 (…) Nous partons ce midi pour l’Allemagne. Tous, même les étudiants, sont dirigés sur Bomlitz. Ici les Allemands n’ont rien voulu entendre à notre sujet. A Bomlitz, il s’agit d’une poudrerie : travail dur, dangereux, 1 seul repas par jour. Un véritable enfer paraît-il. (…) suis heureux d’avoir toujours des séminaristes avec moi… » ; « Benefeld, 17 juillet 1943 (…) Nous voici enfin installés, mais pour arriver ici nous avons dû marcher. (…) Sur 6 séminaristes que nous étions, 3 sont restés dans la région de Hanovre je ne sais où (…) Nous espérons ne pas aller à Bomlitz, mais malgré tout nous voilà tout près dans une usine semblable. (…) Nous sommes 14 dans ma chambre, tous de la Manche. Heureusement ce sont des types intéressants (…) Comme nourriture nous avons ici du jus le matin et le soir mais avec cela un seul repas par jour (…) Ici c’est une véritable tour de Babel. Il y a un certain nombre de Français, des jeunes de la Manche arrivés il y a quelques temps, il y a aussi beaucoup d’Italiens, des Russes, des Hollandais (…) Comme moralité, jamais je n’aurais pensé voir une jeunesse si pervertie. Dans ma chambre cela se passe bien, mais j’ai vu ce que c’était durant mon voyage jusqu’ici surtout le soir. Des types qui ne cherchent que leur plaisir, qui ne pensent qu’à la femme et me parlent d’elle qu’en termes dégoutant… » « 21 juillet 1943 (…) J’ai commencé le travail. Je commence par le quart de jour de 7h du matin à 4h du soir avec seulement 1 demi-heure d’interruption. La machine à laquelle je travaille dégage de la vapeur qui me cause de violents maux de tête (...) Comme repas il est toujours unique (…) j’ai fait la connaissance d’un trappiste et de 2 jésuites. Nous sommes allés à la messe à Walsrode dimanche (…) nous avons eu beaucoup de mal à trouver l’église car l’ancienne église catholique sert maintenant de mairie… » « 28 juillet 1943 (…) Ici nous travaillons dans une immense usine de poudre. Cette usine se trouve dans une forêt. Elle a à peu près 70 km de long. Les bâtiments ne peuvent pas être mieux camouflés. Nous sommes dans une forêt de sapins. Les bâtiments sont tous couverts de terre et de sapins. (…) Pour aller au travail j’ai au moins 3 km à faire à pied 3 km à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit (…) Nous passons à un poste de police où nous présentons une carte que l’on nous a donné. À partir de là il est absolument interdit de fumer ou d’avoir du tabac et des allumettes sur soi. Je travaille à une machine qui s’appelle « Walse ». Elle consiste en 2 rouleaux de 1m50 de long et 50cm de diamètre. Nous avons de la poudre jaune. Nous la mettons sur les rouleaux. Elle sort en espèce de feuilles de papier. Nous repassons cela plusieurs fois toujours de plus en plus épais jusqu’à ce que ce soit noir. (…) La semaine dernière ma machine prenait feu tous les jours. Il faut alors savoir se sauver car si nous restons dans le bâtiment qui est presqu’aussi grand que la forge nous y serions carbonisés, car c’est à 40 à 50 kg de poudre qui flambe d’un seul coup… » ; « 16 août 1943 (…) Actuellement les commandes sont beaucoup plus pressantes. Les stocks s’épuisent, c’est pourquoi nous devons travailler le plus possible. Le rendement est augmenté de 50% et malheureusement il est obligatoire. Au lieu de faire 10 plaques, nous en devons faire 15 et cela que nous soyons habitués ou non… » ; « 21 août 1943 (…) Ici que nous soyons bien fatigués ou non il faut sortir le même travail. Si au lieu d’aller au travail nous allons au médecin et que nous ne soyons pas reconnus, nous devons nous enfiler 2 quarts de suite (16 ou 17h) (…) Hier j’ai touché ma 1ère paie. Elle ne s’élevait pour 1 mois qu’à 63 marks. Cela ne va pas loin car il faut compter pour la cantine, les lettres, etc… 2 marks par jour. Je ne ferai donc pas fortune ici… » ; « 4 octobre 1943 (…) planté devant ma Walse en train de faire comme toujours des plaques de poudre qui malheureusement causeront la mort à beaucoup d’hommes. Si cela ne tenait qu’à nous, nous n’en ferions certainement pas tant et la poudre serait moins dangereuse encore. Il faut bien dire qu’actuellement c’est de la belle saloperie que nous faisons ici. Les machines sont pour ainsi dire usées et la poudre que nous travaillons ne vaut absolument rien, (…) les obus ne doivent pas faire grand effet. Le pire c’est que le travail est toujours abrutissant. Toujours le même travail à faire le plus vite possible car alors qu’il y a 2 ans les travailleurs volontaires n’étaient tenus qu’à 7 plaques par jour, maintenant dans le même temps il faut en faire 16 ou 17… » ; « 1er novembre 1943 (…) Malheureusement je n’ai pas pu m’associer facilement à vos prières le 17 octobre car je travaillais de jour ce dimanche là. Le dimanche suivant je travaillais encore mais de minuit à 7h, cependant je n’étais guère en forme et je me suis couché. (…) Hier que nous ne travaillions pas j’ai du faire pompier (garde) à l’usine de 7h du matin à 7h du soir. Vous voyez donc la liberté que nous avons ici. Nous leur ferions facilement cadeau de notre paie pour ne pas travailler à certains jours. Mais ces jours là d’abord nous ne sommes pas payés mais en plus nous avons une amende et nous faisons en général un double quart qui ne nous est pas payé. Quant à aujourd’hui vous pensez bien que la Toussaint n’existe pas pour les Allemands. Nous avons donc du travailler comme les autres jours… » ; « 8 novembre 1943 (…) Cette semaine encore une Français de 28 ans est mort à l’hôpital. Alors qu’il ne pouvait plus tenir debout le médecin, qui n’est certainement pas digne d’avoir ce nom, ne voulait jamais le reconnaître et le forçait à aller au travail. Enfin lundi dernier il l’a réformé et l’a fait porter à l’hôpital Naturellement il était trop tard (…) Pari ici le temps ne se réchauffe guère. Avant-hier la température est descendue à - 4C° et hier la neige a fait son apparition… » ; « 4 avril 1944 (…) Comme je vous l’ai annoncé dans ma dernière lettre nous faisons maintenant 12 heures de travail par jour, 13h30 avec l’aller et retour. C’est terriblement long et pour bien faire il ne faudrait pas avoir besoin de se reposer car nous n’avons pas le temps de ne rien faire à la baraque… » ; « 30 mai 1944 (…) Je fais toujours 12 heures et 10 heures et demie à la baraque. C’est bien peu pour faire la cuisine, manger, écrire, lire et dormir sans compter aller aux abris quand il y a alerte. Ce n’est pas que nous tenons à aller aux abris mais nous y sommes forcés par les policiers sous peine d’amende à chaque fois qu’il y a alerte. Ces jours le nombre d’alerte grandit encore, que ce soit de jour ou de nuit. (…) le jour nous avons la possibilité d’aller dans les bois, nous y sommes toujours mieux que sous terre surtout lorsque les alertes durent pour le moins 3 heures (…) Nous voyons ici tant de jeunes qui se perdent par la mauvaise influence de quelques-uns qui sont venus ici pour y répandre le mal autour d’eux. Que de femmes ici aussi qui brillent par leur mauvaise conduite, qui amènent ces jeunes au mal alors qu’ils ne le connaissaient pas avant de venir en Allemagne et qui déshonorent tant notre cher pays… » ; etc.

Joint : 3 lettres d’un religieux, camarade de captivité, dont une témoignant de l’attitude exemplaire du futur abbé Delaroque en Allemagne ; 11 petits clichés photographiques (cathédrale de Coutances, ordination sacerdotale d’André Delaroque ?).

Estimation : 100 € à 200 €